Au programme cette semaine dans la Revanche des Dys :
la communauté
une nouveauté pour les dyslexiques
l’interview d’Aurore, dyslexique et dysorthographique.
La communauté
Nous allons atteindre très prochainement la barre des 2000 abonnés ! C’est incroyable 🤩
Nous sommes de plus en plus nombreux, et c’est ensemble que nous ferons bouger les lignes !
Pour cela, je vous remets le lien du questionnaire sur la communauté, si vous n’avez pas encore eu le temps de le remplir, n’hésitez pas : https://forms.gle/kxyqpR9FKi7aukuF8
Une nouveauté pour les dyslexiques
Canal+ va prochainement proposer une option parmi ses sous-titres, pour les rendre plus accessibles aux dyslexiques.
Baptisé “Dystitles”, le projet a été créé en collaboration avec une orthophoniste et neuropsychologue. On ne connaît pas la date exacte de sortie de ces fameux sous-titres, néanmoins un aperçu est déjà disponible : https://www.youtube.com/watch?v=tFzHiIEKFLM
N’hésitez pas à y jeter un œil, et à nous faire vos retours !
L’interview d’Aurore
Aurore nous partage son parcours :
dyslexique,
dysorthographique,
cheffe d’entreprise,
maman de deux enfants multi-dys.
Un échange inspirant sur les difficultés rencontrées par les dys, le poids de l’Education Nationale ainsi que sur cette position si particulière : être parent dys d’enfants dys.
Dans cet épisode, il sera question de :
La dyslexie :
Trouble développemental de la lecture
Affecte les compétences liées à la lecture (précision de la lecture de mots, la fluence, et/ou la compréhension en lecture)
La dysorthographie :
Trouble développemental de l’expression écrite
Affecte les compétences liées à l’écriture (orthographe, grammaire, ponctuation, organisation et cohérence des idées à l’écrit)
La dysgraphie :
Trouble développemental de la coordination
Affecte le graphisme
Le TDAH :
Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
Affecte les fonctions exécutives (mémoire de travail, flexibilité, inhibition, planification, attention)
Peux-tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Aurore, j’ai 44 ans et je suis dirigeante de deux sociétés, une de paie, l’autre de portage salarial.
J’ai créé ma première entreprise en 2015, et j’emploie aujourd’hui 12 personnes. Je travaille avec des petites et moyennes entreprises, en gérant leurs paies de A à Z, de l’entrée à la sortie de leurs salariés.
Nous sommes également sous-traitants des cabinets d’experts comptables. Ma seconde société est complémentaire de la première puisqu’il s’agit du portage salarial pour les travailleurs indépendants.
Quels sont tes dys ?
Je suis dyslexique et dysorthographique, avec un soupçon de TDAH.
Quand as-tu été diagnostiquée ?
Je n’ai jamais été officiellement diagnostiquée, j’ai « découvert » et compris ma dyslexie vers mes 25 ans.
Mais j’ai toujours eu des soupçons. J’ai 6 semaines d’écart avec ma cousine, nous étions dans la même classe, c’était assez facile de comparer et de se rendre compte du décalage. Mon apprentissage de la lecture a été laborieux.
Justement, comment s’est passée ta scolarité ?
Ce fut assez compliqué !
Dès le CP, comme je le disais, les apprentissages étaient difficiles. On m’a orientée vers de l’orthophonie, j’en ai fait 3 à 4 mois et puis j’ai arrêté. J’en garde un souvenir de longues séances assez inutiles.
L’école primaire c’était compliqué mais ça passait encore.
J’ai redoublé ma 5e. D’année en année, ma moyenne générale était de plus en plus basse. J’ai été orienté vers un BEP compta. A l’époque, c’était un peu considéré comme la « voie de garage », là où on mettait les « nuls ».
Mon dossier était d’ailleurs tellement mauvais qu’il a été refusé ! Mon grand-père qui était prof dans l’établissement a dû intervenir pour que j’y sois acceptée. C’est pour dire à quel point mon dossier était mauvais ! J’ai même échoué au brevet des collèges.
J’ai donc fait un BEP Compta puis un Bac Pro compta. Passer dans un milieu professionnalisant m’a fait un bien fou. L’école prenait enfin du sens, jusqu’alors je trouvais tous les enseignements ennuyeux et inutiles. L’apprentissage d’un métier, les stages, c’était plus concret pour moi. Je me sentais bien dans ce que je faisais, j’avais la sensation que c’était plus facile… Ça m’a redonné confiance en moi.
Avant de partir dans le monde du travail, comme c’est le cas après un bac professionnel, j’ai voulu récupérer une filière « normale ». Je voulais me prouver que moi aussi, je pouvais y arriver.
Je me suis dirigée vers un BTS Compta. A nouveau, ça a été compliqué… J’avais de grosses lacunes en maths et en français, et aucun soutien du corps enseignant… Au début de ma première année de BTS, un professeur avait demandé aux élèves provenant de « Bac Pro » de se déclarer, pour nous annoncer devant toute la classe « vous allez échouer à l’examen ».
Ça pose le décor.
Pourtant, je l’ai obtenu ! Je m’en suis sortie. J’ai beaucoup travaillé, malgré mes difficultés.
Une fois sortie du système scolaire, qu’est-ce que tu as fait ?
J’ai continué en compta, tout simplement. J’y ai rapidement découvert le métier de la « paie », que je n’avais pas appris à l’école. C’était un milieu qui me plaisait et me correspondait plus. J’ai alors tout appris par moi-même.
Au fil des années, j’étais de plus en plus frustrée par certaines situations. J’ai beaucoup d’intuition et au travers de mes expériences professionnelles, je vivais assez mal le traitement de certains sujets, qui selon moi n’allaient pas dans le bon sens. J’ai alors rapidement voulu créer mon entreprise.
J’ai pu finalement le faire en 2015 quand c’était le bon moment en lien avec ma vie personnelle.
Comment ça s’est passé ?
C’était un vrai challenge au début ! Je suis partie de zéro, je suis allée chercher mes premiers clients… et aujourd’hui, j’en ai 700 !
On traite plus de 5000 bulletins de salaire par mois, donc on peut dire que c’est une réussite !
Est-ce que tu assumes tes dys dans ton entreprise ?
Je dirais oui et non…
J’en parle avec mes collaborateurs. L’une d’entre eux est dyslexique et a même adopté officiellement le tampon « Certifié Dys » dans sa signature d’email. Moi j’ai un peu plus de mal.
J’ai toujours honte de mon orthographe à l’écrit sur du papier, donc je fais exprès d’écrire mal pour cacher mes fautes ! Sur l’ordinateur j’ai des outils de correction, comme Cordial et Antidote, donc c’est plus facile. Mais il reste toujours des fautes.
La fatigue joue beaucoup également : je vais faire plus de fautes quand je suis en baisse de régime, je vais inverser des lettres, confondre des sons (comme les v et f par exemple).
De manière générale, je dirais que je l’assume dans mon entreprise, mais pas trop encore avec mes clients. C’est pour ça que je voulais témoigner, pour faire officiellement mon « coming out » dys (rires) !
Mais c’est difficile de lutter contre cette étiquette de nulle qu’on m’a collée enfant. J’ai tendance encore à cacher mon parcours scolaire, à ne pas me sentir légitime… J’ai encore un petit syndrome de l’imposteur dans le milieu professionnel, malgré mes réussites.
Je me fais violence, d’autant plus que mes enfants sont dys. C’est important pour moi qu’ils ne grandissent pas avec la honte de ce qu’ils sont ou avec l’idée qu’ils sont nuls.
Est-ce que tu peux nous en dire plus sur tes enfants ? Comment est-ce d’être dys et parent d’enfants dys ?
Mes deux enfants sont dyslexiques, dysorthographiques et dysgraphiques. Avec en plus un TDAH pour ma fille, et un TDA sans hyperactivité pour mon fils.
C’est difficile d’être dys et parent de dys, parce qu’on veut leur éviter ce qu’on a vécu. On voit que rien ne change dans le système scolaire.
On continue à casser des gamins, à les accabler… Par exemple, ma fille est très créative, elle a du talent, mais ce n’est pas quelque chose de « valorisable » d’après l’école.
Personnellement, je n’attends pas de mes enfants des résultats scolaires. Tout ce que je leur demande, c’est de ne pas décrocher.
Suite à du harcèlement scolaire, mon fils a intégré une école spécialement conçue pour les dys, l’école Cerene (6 enfants DYS sur 10 subissent du harcèlement scolaire – Etude FFDys 05/2019*). Nous y avons trouvé énormément de bienveillance. Dès les premiers entretiens, ils expliquent à l’enfant que les troubles dys sont des « troubles des apprentissages ». Par conséquent, dès lors qu’ils ne seront plus en « apprentissage », ça ira mieux. J’aime beaucoup cette approche, ça permet aux enfants de voir la lumière au bout du tunnel.
En dehors de ce type d’école, la scolarité est très compliquée.
Dernier exemple avec l’enseignant de ma fille cette année. Bien que nous lui ayons transmis le bilan d’un neuropsychologue, issu d’une batterie de tests et d’heures d’entretiens démontrant son TDAH, il nous explique qu’après avoir consulté les enseignants qui ont eu ma fille en classe par le passé, ils sont certains qu’elle n’est pas TDAH !
Comme si l’analyse de professeur était supérieure à celle d’un neuro-psy. On marche sur la tête !
Être parents de dys, ça demande de la patience, du temps, de l’argent, de la pugnacité et génère énormément de contraintes. Il faut conjuguer avec tous les spécialistes : neurologue, orthophoniste, psychologue, psychomotricien, graphothérapeute,… C’est aussi en parti pour ça que j’ai créé ma propre entreprise : pour pouvoir trouver le temps nécessaire avec mes enfants.
Quand on discute avec d’autres parents de dys, c’est impressionnant à quel point on partage tous la même histoire, les mêmes difficultés… On n’est jamais assez parfait, on n’en fait jamais assez… Ceux qui ne bossent pas, se voient reprocher de trop s’occuper de leur enfant, ceux qui bossent, ne s’en occupent pas assez.
Face à l’Education Nationale, on a l’impression de se battre contre des moulins à vent : rien ne bouge. Je trouve même qu’il y a quelques années, c’était plus simple. Moi, on m’avait cataloguée « nulle ». A partir de là, on m’a fichu la paix.
Maintenant, on met en place des PAP (Plans d’Accompagnement Personnalisé), mais en majorité ils ne sont pas respectés. Résultat, l'enfant reste en échec et on l’accable un peu plus, en le rendant responsable ! Il y a une espèce d’acharnement sur eux, d’hypocrisie…
93 % des enfants dys souffrent d’anxiété, 1 sur 3 font une dépression (Etude FFdys 05/2019*).
J’avoue être assez pessimiste au regard du système scolaire. Mon objectif pour mes enfants est de protéger leur estime de soi, qu’ils puissent voler de leurs propres ailes, détachés des doutes ou étiquettes qu’on leur aura collé.
Une fois l’école finie, les choses peuvent devenir bien meilleures fort heureusement : il suffit de regarder mon exemple, mais pas seulement moi. C’est pour ça aussi qu’il me paraissait important de témoigner.
Question plus légère à présent, quels sont tes super-pouvoirs de DYS ?
Je dirais que j’en ai deux.
J’ai une grosse capacité de travail, je peux travailler énormément, vite et bien. Et j’ai une super intuition.
Quels conseils donnerais-tu aux parents, aux enfants et aux adultes qui nous lisent ?
Pour commencer, il faut garder en tête qu’un profil dys, c’est un profil extra-ordinaire. Ça nous apporte bien plus que ça pourrait nous desservir. Notre vision du monde est différente, ça nous emmène souvent plus loin.
Il n’y a qu’à voir les dys qui ont changé le monde : Newton, De Vinci, Pasteur, Gate,… ou la forte réussite de certains : Franky Zapata, Lewis Hamilton, Frank Gastambide, Picasso… Il faut en parler, les nommer, nous sommes capables de grandes choses !
Ensuite, ne jamais laisser quelqu’un nous faire douter de nous, de nos capacités, ou nous dicter ce qu’on est capable de faire ou non.
On a tous un talent, il suffit de le découvrir.
Je terminerais en disant qu’il faut arrêter de parler des « troubles dys » comme d’un handicap. En dehors de l’école, au quotidien nos dys ne nous handicapent pas plus qu’ils ne nous servent, bien au contraire. Nous n’avons pas de handicap, nous fonctionnons simplement différemment.
* Source : https://www.ffdys.com/wp-content/uploads/2019/10/Synthese_Enquete_FFDys_Les_violences_invisibles_que_subissent_les_enfants_Dys_13e_Journee_Nationale_des_Dys.pdf
Dans notre galaxie pas si lointaine… 🚀🌌
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Je vous dis à dans deux semaines ! Que la Force des Dys soit avec vous !
Merci de votre témoignage courageux dans lequel je reconnais notre expérience de parents face à l´éducation nationale.