Au sommaire de notre newsletter cette semaine :
la communauté (encore et toujours)
une consultation citoyenne
la revanche de Pierre-Louis, dysphasique avec un TDAH
La communauté
La Revanche des Dys c’est :
des adultes dys
des étudiants, adolescents, enfants dys
des parents dys
des parents de dys
et tous ceux qui évoluent autour du monde des dys
Pourquoi je vous en parle ? Parce qu’aujourd’hui, la Revanche des Dys c’est :
1797 abonnés à la newsletter
1610 abonnés au compte LinkedIn
873 followers sur le compte Facebook
Mais nous sommes bien plus que des chiffres. Nous sommes une communauté d’entraide et de soutien 🥰
Je vois de plus en plus de posts sur les réseaux sociaux où nous sommes mentionnés comme un espace d’accueil et d’espoir. Avec Thibaut, ça nous touche énormément de fédérer autant, alors merci à tous ceux qui nous suivent. Merci à ceux qui lisent cette newsletter. Et merci à tous ceux qui témoignent. 🫶
Chaque histoire rappelle qu'au-delà des difficultés, nous avons de grands pouvoirs et que nous pouvons réaliser des choses extraordinaires.
C’est pour cela que nous construisons un espace d’échanges avec Thibaut. Il sera prochainement lancé, et pour ceux qui veulent mettre la main à la pâte, c’est par ici : https://forms.gle/kxyqpR9FKi7aukuF8
La consultation citoyenne
Parce que nos dys nous impactent dans la société, et que nous sommes également impactants, une consultation citoyenne a été lancée. 🇨🇵
Son sujet ? La stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (autisme, dys, TDAH, troubles du développement intellectuel).
Bien que le sujet soit très vaste et un peu fourre-tout, je vous mets tout de même le lien pour y participer : https://consultation-tnd.handicap.gouv.fr/
Elle se terminera le 24 mai, donc n’hésitez pas à faire porter votre voix !
L’interview de Pierre-Louis
Pierre-Louis est un homme aux multiples facettes : architecte d’intérieur le jour, et ninja la nuit ! 🥷
Bon en fait, il n’est pas complètement ninja ou spider-man, bien que sa passion soit l’escalade.
Dysphasique et atteint d’un TDAH, il nous raconte ici son parcours, et comment ses dys sont devenus sa plus grande force !
Dans cet épisode, il sera question de :
La dysphasie :
Trouble neurodéveloppemental primaire du langage oral
Affecte la production et/ou la compréhension de la parole et du langage.
Le TDAH :
Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
Affecte les fonctions exécutives (mémoire de travail, flexibilité, inhibition, planification, attention)
Bonjour Pierre-Louis, bienvenue dans la Revanche des Dys, et merci de partager ton expérience avec nous ! Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Oui bien sûr.
Je m’appelle Pierre-Louis Tilly, j’ai 28 ans et je suis diplômé d’un Master en Architecture Intérieure. Je travaille dans une agence tertiaire spécialisée en aménagement de bureaux à Paris.
Côté dys, je suis dysphasique et j’ai un TDAH. Et côté perso, je suis féru de sport et plus particulièrement l’escalade, au point d’avoir participé à l’émission Ninja Warrior.
Impressionnant ! Peux-tu nous parler de ton diagnostic ? Comment ta dysphasie a été détectée ?
Ma dysphasie a été détectée très jeune, à 4 ans. Je n’ai d’ailleurs pas parlé correctement, c’est-à-dire en faisant des phrases complètes, avant l’âge de 7 ans.
Comment faisais-tu pour dialoguer et exprimer tes besoins avant de savoir parler ?
Avant de savoir faire des phrases complètes, j'ai appris une partie de la langue des signes pour communiquer avec ma famille. Je maitrisais quelques bases : manger, dormir, jouer, école, etc.
Une fois la parole acquise, j’ai progressivement perdu l’usage de cette langue, puisque je n’en avais plus besoin pour m’exprimer.
Mais même sans cela, le fait d'avoir du mal à communiquer avec les autres ne m’a pas empêché de me faire des amis puisque j'ai le sourire facile et je suis joueur.
Comment s’est passée l’école primaire ?
Mon dys a été diagnostiqué à l’hôpital Bicêtre à Paris, et c’est là-bas que j’ai été suivi. L’hôpital a mis en place des mesures pour soigner ma dysphasie, et cela incluait pas mal de choses qui ont impacté mes premières années de scolarité.
J’avais une psychologue, une orthophoniste, une ergothérapeute, ainsi que des cours à l’hôpital. J’allais à l’école et j’avais en plus des cours à la maison via une association, « Votre École Chez Vous ». C’est un peu comme Acadomia, sauf que les gens se déplacent à la maison et sont spécialisés dans les troubles et handicaps.
Tout ça était forcément lourd, mais ça m’a permis de savoir m’exprimer et d’être autonome dans mon expression orale.
Et pour la suite ? Tu as continué à être suivi au collège ?
Arrivé au collège, on a tenté une scolarisation dans un établissement classique, toujours avec l’aide de Votre Ecole chez Vous qui s’occupait principalement du français. Je continuais de consulter l’orthophoniste deux fois par semaine. J’évoluais dans un milieu « ordinaire », mais j’accusais du retard par rapport aux autres. Cette année scolaire s’est plutôt bien déroulée avec de bons résultats dont un prix reçu sur la qualité du travail.
Néanmoins, mes parents ont pris la décision de me faire changer d’établissement, car la directrice ne voulait pas reconnaître que j’avais des troubles du langage et de la compréhension. Elle disait qu’il fallait que je travaille plus et que j’y arriverais. Ce n’était pas entendable au vu de tous les efforts que je fournissais déjà.
A la fin de la première année de collège, j’en suis parti.
Où es-tu allé ?
J’ai intégré l’éréa de Vaucresson (Toulouse Lautrec), un établissement qui accueille des enfants gravement handicapé moteur mais qui a élargi son accueil aux enfants dys. C’est une école classique, sauf qu’il y a un corps médical en plus, ce qui permet de faire les suivis médicaux dans l’école.
Je suis resté jusqu’à la fin de mon collège chez eux et franchement, c’était top !
Après ça, je me suis senti suffisamment en confiance pour me lancer dans un lycée classique, sans accompagnement. C’est moi qui l’ai souhaité.
En revanche, j’ai fait un Bac Pro au lieu d’un Bac Général, je n’étais pas capable d’aller sur les matières trop rédactionnelles et littéraires.
J’ai toujours été passionné de dessin, de design, de construction… j’adorais les legos, donc je me suis dirigé vers une école de menuiserie pour mon Bac Pro.
Ça correspondait à ce que je voulais, la partie manuelle me canalisait bien avec mon TDAH.
A part le français et l’anglais, je m’en suis sorti sans difficultés. J’ai même obtenu mon Bac Pro avec mention Bien !
Qu’as-tu fait après ton Bac ?
J’ai fait un BTS en Agencement architectural.
Et honnêtement, ça a été l’étape la plus dure de ma scolarité, à cause des matières générales.
J’étais perdu partout, je travaillais et pourtant j’avais des notes terribles… Il n’y avait que les matières artistiques et professionnelles dans lesquelles je performais !
J’ai pris des cours particuliers en maths et en français pour remonter la pente. Ça a fini par payer, et j’ai validé mon BTS avec 11 de moyenne.
A la suite du BTS, j’ai enchaîné par un autre diplôme de deux ans à Rennes pour finir avec un Master à Paris, le tout en architecture intérieure. Exit les matières générales et vive les matières professionnelles !
J’ai pu finir ces deux diplômes avec les félicitations du jury dont le Master où je suis arrivé deuxième d’une promo de quarante personnes !
Aujourd’hui tu travailles dans un cabinet d’architecture. Comment gères-tu tes dys au quotidien ?
Pour la dysphasie, ce n’est quasiment plus un problème aujourd’hui, sauf éventuellement quand je suis très fatigué.
Le TDAH est un peu plus problématique. Je me fatigue vite devant les écrans, le bruit me déconcentre très facilement.
J’ai essayé les casques anti-bruit, mais ça ne coupe pas la vision et le mouvement autour de moi. Je vais donc faire un peu plus de télétravail que les autres. C’est plus facile pour moi de me concentrer quand je suis seul.
Quand je suis au bureau, j’essaie de m’isoler, mais c’est toujours un peu difficile dans un open-space…
J’ai aussi du mal à gérer le multitâche : quand il faut faire plein de choses à la fois, ça devient un peu le bazar dans ma tête.
Je suis obligé de prioriser et de faire les choses les unes après les autres pour ne pas me perdre.
Tu as déjà essayé certains médicaments ? Qu’est-ce qui t’aide ?
Alors, j’ai essayé la ritaline quand j’avais 10 ans. J’ai arrêté au bout d’un an, car ça me plongeait dans un état complètement dépressif !
Donc ce qui m’aide au quotidien, ça va plus être des applis de rédaction, comme MerciApp. L’arrivée progressive de l’intelligence artificielle dans mon métier est également un plus.
Mes difficultés sont surtout au niveau rédactionnel, je perds du temps à rédiger. En revanche, je suis très rapide au dessin, je peux passer des heures à ne faire que ça : l’aspect manuel est vraiment important pour moi.
J’essaie d’allier mes forces et mes difficultés : par exemple, je tiens une newsletter sur le sport, ça m’oblige à écrire, à me relire, à corriger mes fautes…
Avant de parler justement de sport, dernière question sur ton travail : est-ce que tes collègues sont au courant ? Parles-tu de tes dys ?
Les RH (Ressources Humaines) de l’agence sont au courant, ainsi que trois à cinq collègues je dirais.
Mais ce n’est pas lié à une volonté de le cacher. C’est juste que je ne ressens pas le besoin d’en parler, ça fait partie de moi.
Après je suis toujours ouvert pour en discuter, expliquer si jamais je bloque sur certaines choses.
J’ai pleinement accepté mes dys, ils font partie de moi au même titre que mon amour pour le sport (rires) !
Justement ! Parle-nous de ta passion !
Le sport et moi, c’est une histoire qui remonte à très loin. En me dépensant, j’arrive à canaliser mon TDAH et toute cette énergie que j’ai.
J’ai fait du vélo, du rugby, de la natation mais surtout de l'escalade… Au-delà même de la dépense physique, ça m’apporte pas mal de réflexion, notamment sur le dépassement de soi.
J’ai toujours aimé faire du sport, paradoxalement ça me « recharge » mes batteries. Après une journée derrière l’ordinateur, ça me fait beaucoup de bien de bouger, je me sens moins fatigué !
J’avais voulu d’ailleurs faire un cursus sport études, mais malheureusement ça incluait tout de même une partie « études »…
Je n’exclus pas un jour d’allier sport et architecture : concevoir des salles de sport, des équipements sportifs, travailler dans l’événementiel sportif…
Et l’escalade ? Pourquoi ce sport en particulier ?
J’ai commencé en 2017. J’ai testé, et c’est devenu mon sport favori !
Ce que j’aime dans ce sport, c’est son côté autant physique que psychologique. Il faut aller en haut, et réfléchir à comment y arriver.
Chaque voie (ndlr : chemin utilisé par le grimpeur pour atteindre le sommet) est un objectif, un défi. Plus tu progresses, plus ça devient dur et de réussir, ça me fait me sentir incroyablement vivant.
Il y a aussi quelque chose lié à mon enfance je pense. Tu pars d’en bas comme les autres, tu es au même niveau : ma dysphasie n’est pas un problème, je suis sur un même pied d’égalité.
L’escalade est quelque part une revanche je pense pour moi. Je peux physiquement me dépasser. Je prends le pas sur mes dys.
Le sport en général fait partie de moi, et m’a énormément aidé depuis le collège. Ça été ma principale source de communication avec les autres, aujourd’hui ça l’est encore.
Je prends d’ailleurs tout le temps des vacances sportives, je ne suis pas du genre à rester sur la plage à bronzer pendant des heures (rires) !
J’ai aussi pas mal travaillé dans des événements sportifs, en gérant des boutiques de produits pour la Ryder Cup (ndlr : tournoi de golf) et le Tour de France.
C’est pour cela que tu as participé à Ninja Warrrior ?
En fait c’est mon père qui m’a poussé à m’y inscrire. Il me voyait faire beaucoup d’escalade, et il m’en a parlé.
Ndlr : Ninja Warrior : Le Parcours des héros est un jeu télévisé français diffusé sur TF1, qui consiste en un parcours d'obstacles, situé au-dessus de piscines. Le but est de franchir tous les obstacles sans tomber dans l'eau, et de finir le parcours en un minimum de temps.
J’ai réfléchi et puis je me suis dit : pourquoi pas ?
J’ai passé le casting, en racontant notamment ma dysphasie, le fait que l’escalade me permet d’accéder à l’inaccessible. Au-delà même de moi, c’est la preuve qu’une passion nous permet de surmonter les obstacles !
Mon histoire les a beaucoup touché, et j’ai été pris !
J’ai participé à l’émission à Cannes. C’était incroyable de se retrouver face à des gens qu’on ne voit qu’à la télé !
J’ai adoré ce moment, c’était vraiment incroyable.
Je n’ai pas été diffusé, car j’ai échoué avant les demi-finales. Mais ça m’a permis de rencontrer des gens qui comme moi kiffent le sport !
Avec eux, je me sens à ma place, complètement accepté. On a d’ailleurs loué des liens puisque je retourne voir les autres candidats, on a gardé le contact.
Ça a dû être une expérience incroyable effectivement ! Au-delà de tes capacités de ninja, quels sont tes super-pouvoirs de DYS ?
Je dirais que mon plus grand super-pouvoir, c’est ma capacité à rêver, à imaginer.
Je ne parlais pas étant enfant, mais j’avais plein d’histoires dans ma tête, je rêvais beaucoup.
Et je dirais que mon TDAH m’a apporté le sport, ce qui est aussi un de mes super-pouvoirs !
Notre interview touche à sa fin. Avant de se quitter, quels conseils donnerais-tu aux parents, aux enfants et aux adultes qui nous lisent ?
Mon conseil serait d’avoir une passion : ça permet d’aller beaucoup plus loin que ce que l’on pourrait imaginer !
La passion vous porte, et vous permet de sortir du cercle « prédestiné » dans lequel vous êtes. Cela permet d’accomplir de grandes choses !
Garder un esprit enfant est important aussi : ne pas trop se prendre au sérieux, être foufou, être libre, et exprimer qui l’on est !
Le sport m’a sauvé, donc bouger, être au contact avec la nature permet aussi de sortir de sa tête et de ses problèmes du quotidien.
Enfin, la dernière chose que je voudrais dire s’adresse surtout aux non-dys : quand vous pensez que c'est simple, vous ne voyez pas que pour nous c'est plus compliqué, et que cela entraîne un effort supplémentaire.
C’est ce que j’avais envie de transmettre : nos difficultés sont invisibles, mais elles sont réelles.
Mais avec de l’aide, on peut tout accomplir.
Dans notre galaxie pas si lointaine… 🚀🌌
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Je vous dis à dans deux semaines ! Que la Force des Dys soit avec vous !
Merci