Episode XXIII : La revanche de Patrick Lonchampt
Cette semaine dans la Revanche des Dys :
une étude pour améliorer la lecture des dyslexiques
le parcours de Patrick, dysorthographique
Lancement d’une étude sur un dispositif innovant d’aide à la lecture pour les dyslexiques
Lexilens lance un programme d’études de son dispositif pour aider les dyslexiques à lire de manière plus confortable.
Voici leurs critères de recherche :
des enfants de 12 à 16 ans
n’ayant jamais porté Lexilens
diagnostiqués dyslexiques
ne souffrant pas de pathologie oculaire ou d’épilepsie
Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à participer ! Le dispositif sera offert si votre enfant est convaincu. 😊
Voici le lien pour en savoir plus :
Comme toujours, vous pouvez également partager vos retours dans la communauté !
L’interview de Patrick Lonchampt
L’interview de Patrick :
dysorthographique
avec 0 de moyenne en orthographe
aujourd’hui journaliste de radio et directeur d’une maison de production
Dans cet épisode, il sera question de la dysorthographie :
Trouble développemental de l’expression écrite
Affecte les compétences liées à l’écriture (orthographe, grammaire, ponctuation, organisation et cohérence des idées à l’écrit)
Bonjour Patrick ! Bienvenue à vous dans la Revanche des Dys. Merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous vous présenter rapidement pour commencer ?
Bonjour, merci à vous de me recevoir.
Je m’appelle Patrick Lonchampt, je suis journaliste radio et podcast, et j’ai également une maison de production de contenus audios.
Quel est votre dys ?
Je suis dysorthographique sévère, avec une légère dyslexie. C’est d’ailleurs pour cela que je suis journaliste radio, il n’y a pas besoin de relire mes textes (rires) !
La dysorthographie a impacté votre choix de carrière, j’imagine que ça a même commencé bien avant ?
Oui, ça a commencé dès l’apprentissage de l’écriture en fait.
C’était impossible pour moi de recopier les mots écrits au tableau sur ma feuille, sans faute. Au point qu’un jour, un instituteur m’a fait recopié, encore et encore, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fautes. Il a abandonné au bout de la 15e recopie.
C’est de l’acharnement à ce niveau-là…
A mon époque la dysorthographie, la dyslexie, ça n’existait pas. Donc si j’étais nul en orthographe, c’était forcément que j’étais débile, feignant ou les deux.
J’ai fait des tonnes de dictée, j’en faisais une par soir. On m’a fait redoublé mon CE2 à cause de mon orthographe.
En gros, j’ai eu 0 en orthographe du CP à la 3ème. Et au lycée, on continuait de m’enlever des points à cause de mon orthographe, même dans des matières comme les mathématiques !
Vous n’avez eu aucun accompagnement, aucune aide ?
Non, les professeurs s’en fichaient. Quand je suis arrivé en 1ère, mon prof de français a même dit à mon père « il a une vraie difficulté sur l’orthographe, il faudrait quand même faire quelque chose. »
Ça a beaucoup agacé mon père, médecin, qui lui a répondu : « c’est comme si je voyais un patient malade et que je lui disais qu’il faudrait qu’il se soigne ! ».
Mes parents avaient des relations tendus avec les profs, parce que ces derniers refusaient de comprendre que ce n’était pas un manque d’effort ou d’intelligence.
On m’a suggéré par exemple de lire 2 à 3 livres par an, pour améliorer mon orthographe, alors que j’en lisais 4 par semaine…
La seule chose qui m’ait un peu aidée, c’était en 5ème. J’ai refait le programme de CM1/CM2 en orthographe, conjugaison et grammaire avec un professeur particulier.
Comment s’est déroulée le reste de votre scolarité ?
Dans le même style haha. On continuait à me rappeler perpétuellement que j’étais stupide parce que mauvais en orthographe.
J’avais des moyennes qui baissaient, parce qu’à force d’entendre ce genre de choses, on finit par y croire. On m’a fermer des filières, on a voulu m’orienter vers des filières plus techniques… Ça a vraiment eu un gros impact sur mes études.
Manque de chance, j’ai toujours été un pur littéraire moi. Je voulais notamment devenir journaliste.
J’ai passé un Bac orienté économie, que j’ai d’ailleurs eu grace aux matières littéraires ! Ce n’était d’ailleurs pas gagné, parce que lors du Bac blanc de français, j’avais eu 0/20 car les fautes d’orthographe étaient notées avec des points négatifs…
Après le Bac, comment vous êtes-vous orienté ? Comment se sont passées vos études ?
Après le Bac j’ai fait un peu de droit. J’aimais beaucoup le droit, mais lui en revanche ne m’aimait pas (rires) ! C’était très technique, je n’arrivais pas à rentrer dans la philosophie de la matière.
Après le droit je me suis réorienté vers une maitrise en ingénierie des services, dans le tourisme, à Angers. Je me suis formé aux métiers de l’hôtellerie et du tourisme, même si au final je n’y ai jamais travaillé.
J’ai travaillé un temps dans les collectes de fonds, puis j’ai eu envie de reprendre des études, cette fois-ci au séminaire, pour devenir prêtre. C’était intéressant, 80% des cours étaient consacrés à la théologie, le latin, le grec ancien, la philosophie…
Mais à nouveau, certaines choses, certains cours ne m’étaient pas accessibles à cause de mon orthographe. On m’a par exemple dit que le cours d’hébreu supplémentaire n’était pas une bonne idée, il valait mieux que j’utilise ce temps pour autre chose, ça allait faire beaucoup pour moi…
J’ai fait 4 ans sur les 7 ans de formation, et je suis parti.
J’ai finalement fait un an de formation à l’IRCOM d’Angers en communication, pour renouer avec mes appétences journalistiques.
Et après ça, j’ai fait de la radio associative, et j’ai été directeur des médias dans diverses radios pendant 8 ans.
On ne l’a pas encore évoqué, mais comment êtes-vous arrivé à votre diagnostic ?
J’ai eu le diagnostic il y a environ 5 ans. J’ai vu un psychologue à la suite d’un problème professionnel, qui m’a fait passé toute une série de tests.
Ça a confirmé des difficulté sur ma mémoire de travail, mais également un profil HPI, avec une très bonne mémoire de long terme.
Mais évidemment, ça faisait un moment que je m’en doutais.
Qu’avez-vous mis en place au quotidien pour vous aider ?
J’utilise quelques outils, comme par exemple Antidote pour la correction des fautes. J’ai également Dragon Naturally Speaking, pour dicter mes textes.
Récemment, j’ai découvert ChatGPT, et je trouve que c’est un outil formidable pour corriger les fautes !
Mais sinon je n’ai pas d’aide particulière ou de prise en charge, je n’ai pas de RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé).
Est-ce que vous parlez facilement de votre dys autour de vous, dans le cadre professionnel ?
Oui, mes collaborateurs sont au courant, de toute façon ça se voit assez vite haha !
Je suis indépendant mais je travaille avec des gens bienveillants, donc ça se passe bien. Beaucoup me proposent même de relire mes textes.
J’en parle aussi de moi-même, j’envisage de mettre une pastille dans ma signature de mail pour indiquer que je suis dys.
Le fait d’être indépendant est lié également à votre dys ?
Oui tout à fait. Je me suis installé à mon compte car je ne peux pas postuler à des postes de « directeur des médias » ou « directeur communication » par exemple. Ce sont des postes qui réclament une orthographe irréprochable dans leur descriptif, donc je me censure car je sais que je vais faire des fautes.
J’ai donc créé ma propre maison de production. Je contribue à des médias, comme le réseau RCF, où je fais un magazine économique hebdomadaire, l’Eco des Solutions.
Et je produis du contenu audio pour des associations et des fondations qui s’engagent dans les 17 objectifs du développement durable.
Est-ce qu’il y a encore des moments où vous sentez des blocages avec votre dys ? En plus du fait de ne pas pouvoir postuler partout ?
Oui, car les dys font partis des handicaps invisibles. Et les gens ne se rendent pas compte parfois de l’absurdité de leurs propos.
Demander à un dysorthographique de faire des efforts sur son orthographe, c’est comme demander à un cul de jatte de courir. On ne peut pas.
Je vais toujours faire des fautes, c’est comme ça. Et me le faire remarquer ne changera pas la donne.
C’est agaçant et blessant cette croyance que l’intelligence est liée à notre capacité à orthographier correctement.
Il faut comprendre que nous sommes tous différents, nous avons tous des capacités différentes.
Parfois ces petites remarques façon institutrice, ça donne envie de tout bazarder. C’est déprimant et rageant d’être réduit à son orthographe.
Arrêtons de regarder ce qui « manque ». Regardons plutôt toute la richesse autour ! Il suffit de regarder les Jeux Paralympiques : d’un handicap, d’un problème, ces athlètes en font quelque chose de grand et de positif !
En tant que dys, quels sont vos super-pouvoirs ?
J’ai toujours pallié mon dys par l’oralité, le fait de parler.
J’ai une grande capacité d’écoute, ce qui me permet après de pouvoir synthétiser, expliquer le monde.
J’aime écouter les gens, leurs histoires, et transmettre tout cela.
Dernière question de cette interview : si vous deviez donner des conseils aux dys et parents de dys qui nous lisent, quels seraient-ils ?
Aux enfants en premier lieu, je dirais ceci : vous n’êtes pas idiot ou con.
Sortez-vous de la tête que vous ne pouvez pas, que vous n’êtes pas capables de faire ce que vous voulez. Nous avons de très grandes capacités d’apprentissage.
Et surtout, n’hésitez pas à utiliser les outils à disposition, toutes les béquilles possibles ! Aujourd’hui on a de super outils à dispo : les livres audios, toutes les fonctionnalités des smartphones…
Il faut savoir que plein de fonctionnalités utilisées au quotidien sont à la base faites pour inclure le plus grand nombre d’utilisateurs. Un exemple tout bête : les messages vocaux, ça nous évite d’écrire et de faire des fautes !
Pour les parents… ça va être compliqué. Vous allez faire beaucoup de réunions parents-profs, et ça ne servira pas toujours à grand chose.
Ecoutez votre enfant, soutenez-le.
Ne laissez pas son dys prendre toute la place, mais ne minimisez pas non plus son impact.
Je voudrais aussi adresser un message aux recruteurs, aux professeurs qui pourraient lire cette newsletter : la dysorthographie, les dys n’empêchent pas les gens d’être capable. Donnez les bons outils aux enfants, à vos collaborateurs, et ils réussiront.
Osons dire et revendiquer notre dys, n’ayons pas peur.
Dans notre galaxie pas si lointaine… 🚀🌌
Nous sommes toujours à la recherche de personnes à interviewer, donc si vous souhaitez passer dans la newsletter ou que vous connaissez quelqu’un, n’hésitez pas à nous contacter via les réseaux sociaux ou par mail : larevanchedesdys@gmail.com.
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Je vous dis à dans deux semaines ! Que la Force des Dys soit avec vous !